En avant pour 2006 !
L'Économie Sociale est à réinventer chaque année. Rien n'est acquis de manière irréversible. Des projets annoncés, confirmés, voire largement engagés peuvent tourner court. Des interlocuteurs, dûment sensibilisés et qui ont fini par se montrer d'ardents avocats de l'Economie Sociale, partent et sont remplacés par d'autres, moins bien disposés ou franchement indifférents. Même à l'intérieur de nos rangs, l'attrition fait son œuvre régulière et implacable.
Au moment du rituel des vœux du Nouvel An, il n'est donc pas inutile de s'interroger sur notre bilan, nos réussites et nos échecs, nos espoirs et nos appréhensions. Il faut une évaluation sans complaisance pour se donner des objectifs raisonnables. Après, mais après seulement, viennent les vœux.
Or force est de constater que, pour ce qui est de sa reconnaissance par les Pouvoirs Publics, l'Economie Sociale ne se porte pas au mieux. Les associations, assimilées aux activités sociales et caritatives, sont de plus en plus souvent coupées des coopératives et mutuelles, que ce soit à Paris ou à Bruxelles. L'unité, l'originalité, la cohésion de l'Economie Sociale sont de moins en moins reconnues par les autorités. Sont-elles d'ailleurs assez défendues, illustrées, mises en avant par nos mouvements ?
En Septembre dernier, le Premier Ministre annonçait au détour d'un discours la fin de la Délégation (cf. notre message du 26/09). Devant l'émoi qui s'ensuivit le Gouvernement fit machine arrière et, affirmant qu'il ne s'agissait que d'un malentendu, fit savoir que la Délégation continuerait à vivre, au sein du ministère Borloo. Celui-ci, intervenant peu après lors de la Journée des Sociétaires du Crédit Coopératif, se voulut on ne peut plus rassurant, allant jusqu'à qualifier la Délégation de "Mon bébé chéri". Mais y avait-il réfléchi plus avant ? Dans ses propos il apparaissait qu'il n'avait en vue que les "services à la personne", et d'ailleurs il ne parla que d'économie solidaire (13 fois au compteur, pas une de moins, contre zéro pour "économie sociale").
Que pourrait être une Délégation, coupée de la "vie associative" restée au ministère Lamour, dans un environnement tout entier tourné vers la création d'emplois dans les cités sensibles ? Qui s'y intéressera aux coopératives et aux mutuelles, et à quel titre ?
Du côté de Bruxelles, l'inquiétude est de mise après le retrait du projet de directive sur le statut européen des mutuelles, alors que les groupes d'assurance privés disposent déjà d'une telle possibilité. Avec leurs moyens, on peut penser que les mutuelles sauront faire valoir leurs droits à une concurrence équitable ; mais c'est l'idée d'économie sociale qui n'en sortira pas indemne.
Heureusement, le monde ne se réduit pas aux instances politiques. Il suffit de regarder autour de nous, et partout nous voyons à l'œuvre le dynamisme, la créativité, l'inventivité et la réactivité des entreprises d'Economie Sociale. Alors qu'il me soit permis de formuler un seul vœu pour 2006 : que les politiques eux aussi s'en aperçoivent, en prennent la mesure, et qu'ils jouent pleinement leur rôle de "facilitateur", sans se complaire aux intrigues d'alcôve, à la rétention d'information, à toutes les petites mesquineries dont ils sont si coutumiers et friands. Qu'ils cessent de s'efforcer sans relâche à construire et à renforcer leurs micro-féodalités, à utiliser et à instrumenter plutôt que servir… bref, qu'ils soient dignes de ce que nous sommes en droit d'attendre d'eux.
Et puisque nous en sommes aux souhaits, pourquoi oublier notre paroisse ? Voici bien des années maintenant que nous affirmons que, sans visibilité statistique avérée, l'Economie Sociale sera toujours sacrifiée lors des arbitrages qui la concernent. En 2006, nous poursuivrons nos efforts pour qu'enfin existe un Compte Satellite de l'Economie Sociale ; nous nous aiderons, alors, que le Ciel nous aide !
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