Mutuelles réunies
Il est des patrons de l'Économie Sociale qui pèsent aussi lourd que bien des PDG de multinationales. Et c'est tant mieux.
Thierry Derez dirige aujourd'hui un empire d'assurance comprenant la MAAF, la GMF, les MMA et le groupe AZUR. C'est cette dernière marque qui fera les frais de la fusion géante entre les quatre firmes, en raison de l'ampleur des investissements en communication réalisés ces dernières années par les MMA.
AZUR n'était à vrai dire qu'une dénomination récente, derrière laquelle ont été regroupées, au fur et à mesure des consolidations, des dizaines de mutuelles dont certaines sont plus que centenaires. Thierry Derez justifie la poursuite de la course au gigantisme par la nécessité, pour les mutuelles travaillant avec des agents généraux, d'assurer à ceux-ci un volume de travail suffisant face à la concurrence. La MAAF et la GMF, qui travaillent sans intermédiaire, ne sont pas concernées.
Bienvenue donc à ce nouveau poids superlourd de l'assurance, qui pourra rivaliser avec les Axa (dont la pointe de la tête de groupe est restée mutualiste), Allianz et Generali, et dont la naissance sonne le glas, du moins peut-on l'espérer, d'une vieille querelle franco-française aussi stérile qu'archaïque.
En effet, pendant de longues années, les mutuelles d'assurance sans intermédiaire, réunies au sein du GSACM (devenu depuis GEMA) n'ont cessé d'interdire l'entrée dans l'Économie Sociale à leurs consœurs de la ROAM (l'émanation commune des mutuelles d'assurance travaillant avec des agents généraux).
Les arguments utilisés étaient d'autant moins compréhensibles par le profane qu'ils étaient imprégnés d'un rare sectarisme puisant ses sources dans un très lointain passé. Ai-je entendu les vitupérer, ces "fausses mutuelles" qui "usurpent leur nom" et ne sont que "du privé qui se cache mal" derrière des pratiques "qui n'ont rien de social"…
Il semblait bien d'ailleurs que les membres de la ROAM se souciaient comme d'une guigne d'être ou non considérés comme d'Économie Sociale. Mais pour le statisticien, il n'y avait guère de critères objectifs permettant de distinguer les unes des autres.
Il est salutaire que cette guerre de religion, si typiquement franchouillarde, ait pris fin. Les entreprises sont des êtres vivants ; elles évoluent, s'adaptent et se transforment ; elles doivent le faire pour survivre, et, dans le cas d'espèce, pour continuer à rendre à leurs sociétaires les services qu'ils en attendent. Ne pas le comprendre, au nom du respect de principes figés comme des mammouths congelés dans la toundra, ce serait condamner l'Économie Sociale à n'être que le musée des belles intentions restées pures.
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