Economie Sociale

Coopératives, Mutuelles, Associations, Fondations : Histoire, Statistiques, Gouvernance, Prospective...
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08 octobre 2006

Pour un coup d'État associatif

- Des milliards, mon bon Monsieur, des milliards ! Voilà la réalité, la vraie, celle qu'on nous cache… des milliards qui filent comme ça, sans contrôle, chez les copains, chez les coquins… ah, elle est belle notre république ! Personne ne va vérifier, ça, combien d'argent on donne aux associations, ni ce qu'elles en font…

Qui n'a entendu de ces propos à l'emporte pièce ? Souvent, d'ailleurs, ceux qui les tiennent volontiers ne répugnent pas à la schizophrénie et, lorsqu'on envisage avec eux, qui un voyage, qui une animation, qui l'édition d'une plaquette ou d'une vidéo, ils vous assurent qu'ils en font leur affaire : "On va demander une subvention au conseil général… Ils sont là pour ça ! Je vais voir ça avec mon frère, il y a ses entrées, on ne lui refuse jamais rien…"

Voilà pour le côté pile. Car du côté face, on entend que l'État, la Région, ou d'autres, ne se gênent pas pour tailler, de leur propre gré, dans les subventions promises, votées, annoncées, attendues, dès qu'il leur faut faire des économies, et que cela met des gens au chômage, que cela casse la dynamique de projets sociaux innovants et prometteurs, que ces économies de Gribouille finiront par coûter infiniment plus cher quand il faudra réparer ce qu'on aura négligé de prévenir…

Tout ceci est bien excessif. Excessif, mais de bonne guerre ! Car la connaissance précise des subventions publiques aux ISBL est l'un des principaux trous noirs de la Comptabilité Nationale. Cela a toujours été ainsi, et cela est demeuré ainsi, malgré le "Plan Comptable des Associations", malgré la LOLF, malgré le système Accord (devenu Chorus), malgré l'obligation faite aux associations de rendre leurs comptes publics, laquelle n'a jamais été appliquée parce qu'inapplicable.

Alors, on confond tout : subventions, conventions, prix de journée ; délégation de service public, concurrence déloyale, favoritisme…

Allons-nous en rester là ? Cela n'a rien de fatal. La LOLF finira bien par produire des effets sur cette partie opaque de la dépense publique (ceci étant, la LOLF ne concerne pas les collectivités territoriales). Les différents efforts (dont les nôtres), menés en maints endroits, pour que l'on joue la transparence, pour que l'on évalue, pour que l'on certifie, produiront bien quelque résultat. C'est pourquoi il faut accueillir avec satisfaction la publication, le 17 Juillet dernier, d'un premier décret obligeant les "personnes morales de droit public" à établir une liste annuelle des subventions qu'elles ont versées aux associations, et à la diffuser par voie électronique.

On trouvera ce décret au J.O. n°165 du 19 Juillet 2006, page 10837, texte n°37.

Prenons le pour ce qu'il est : un pas dans la bonne direction. Maintenant, il faudra le juger à ses fruits ; un progrès décisif, ou un coup d'épée dans l'eau, un de plus ?

Nous verrons cela à compter du 30 Novembre. C'est en effet le jour fixé par le décret pour la publication, au plus tard, des subventions versées en 2005. Les années suivantes, ce sera le 30 Avril. Mais il faut d'abord réussir la première année.

Le travail demandé aux personnes morales de droit public n'est pas énorme.

D'abord, les communes de moins de 3500 habitants en sont dispensées. Ensuite, les "aides attribuées en application d'une loi ou d'un règlement" ne sont pas concernées ; l'interprétation de ce principe risque d'être large. Enfin, les listes à publier ne sont soumises à aucun standard commun ; elles devront comporter le nom et l'adresse de l'association, mais pas son SIRET, ce qui rendra toute compilation statistique quasiment impossible.

Le ministre chargé de la Vie Associative en fera une synthèse, mais le décret ne précise pas quand (on sait seulement que ce sera chaque année) ni si cela permettra de faire des bilans qui ont un sens. Vue sous cet angle, la montagne s'apprête à accoucher d'une souris.

Sauf si nous agissons. Une promesse est une promesse, un décret est un décret, le citoyen est en droit d'exiger qu'il soit appliqué ! Alors, dès le 30 Novembre, nous consulterons avec attention les sites des Ministères, des Régions, des principales villes de France. Faisons-le tous ensemble. Nous verrons bien qui aura satisfait aux obligations du décret et qui y aura failli. Il faudra rappeler ces derniers à leurs devoirs. Le 1er Décembre, ce sera le jour des bilans. Et le 2 Décembre, vous le savez tous, c'est le jour des coups d'État…