Un nouveau mastodonte de la finance coopérative
L'encre du vingtième colloque de l'ADDES, pour moitié consacré aux banques coopératives, était à peine sèche que tombait la nouvelle d'un rapprochement possible entre les Caisses d'Épargne et les Banques Populaires.
Cette information qui fit aussitôt la une de l'actualité économique provoqua l'ire de la vénérable Caisse des Dépôts ; à ses dires, celle-ci n'avait pas été consultée ni même prévenue. Prenant ombrage d'avoir appris la nouvelle par la presse, elle menaça d'utiliser son droit de veto, donnant de ce fait un supplément de crédibilité au projet. Quelques jours plus tard, on apprit que les tractations entre les deux groupes, certes discrètes, étaient déjà anciennes et n'étaient qu'un secret de Polichinelle, ce qui relativise fortement le dépit de la Caisse des Dépôts. On ne se laissera donc pas trop abuser par la poursuite des gesticulations.
Pourquoi le cacher ? Cette fusion intra-coopérative me plaît bien. Certes, il faut attendre d'en mieux connaître les modalités envisagées ; mais, jusqu'à plus ample informé, elle m'apporte à la fois satisfaction et soulagement.
Satisfaction, car l'apparition d'un nouveau géant coopératif appelé à devenir la seconde banque française après le groupe Crédit Agricole vient après la mégafusion opérée dans l'assurance entre la MAAF, la GMF, les MMA et le groupe AZUR. Ces consolidations montrent à l'évidence que l'Économie Sociale est prête à jouer sans complexes dans la cour des grands, et même des très grands, et à ne pas se laisser enfermer dans un profil de sympathiques PME locales, humanitaires et quelque peu archaïques où une large part du monde politique et du patronat aimerait bien la confiner.
Soulagement, car j'avais maintes fois entendu émettre des doutes sur l'authenticité coopérative des Caisses d'Épargne. Celles-ci, entrées dans le monde de l'Économie Sociale récemment et par décision administrative, dépourvues d'une longue culture historique de sociétariat, étaient regardées par certains avec méfiance ; l'annonce tonitruante de leur volonté d'entrer en Bourse n'annonçait-elle pas leur banalisation prochaine et définitive, leur passage par la Coopération ne devant constituer qu'une brève étape transitoire ?
La formule retenue pour la fusion lève toute ambiguïté à cet égard, et renforce au contraire le caractère coopératif des deux réseaux. Tout sera très bientôt en ordre de marche pour porter le modèle de "l'exception bancaire française" hors des frontières. Que faudrait-il donc pour que, dans le monde germanique, les caisses d'épargne (Sparkassen) et les caisses Raiffaisen ne laissent pas les mégafusions s'opérer uniquement au profit des groupes cotés ?
En France même, le nouveau paysage bancaire qui s'esquisse permettra peut-être de mieux "digérer" l'arrivée de la Banque Postale, surtout si la Caisse des Dépôts sort de son rôle ambivalent, un pied dedans, un pied dehors, et que la singularité du "monopole du livret A" trouve sa solution. Car quels que soient les effectifs imposants qu'elles affichent, la vieille clientèle des chèques postaux et la densité du réseau des bureaux de poste ne peuvent à elles seules faire une banque complète et compétitive. Un jour où l'autre, la Banque Postale devra s'adosser à un réseau de taille suffisante auquel elle pourra apporter son potentiel de démultiplication dans la distribution de produits banalisés. Les groupes coopératifs, désormais concentrés en trois pôles, sont parés pour la manœuvre.
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