Dièses ou Bémols ?
Il est toujours dangereux de commenter l'actualité à chaud ; mais voici néanmoins que je m'y risque derechef. Nous venons en effet de prendre connaissance du décret de reconstitution de la DIES, désormais "Délégation interministérielle à l'innovation, à l'expérimentation sociale et à l'économie sociale", et ce texte est surprenant à plus d'un titre. Voici où le trouver : Dièses & Bémols
En son article 6, il fait table rase du passé ; tous les précédents décrets portant création et modifications successives de la DIES sont abrogés. Quatre textes, datant de 1981, 1991, 1995 et 1998 passent donc ainsi à la trappe. Certes, une bonne purge ne fait jamais de mal aux accumulations cancéreuses de lois et de règlements, mais encore faut-il remplacer ce qu'on détruit par du solide.
Voyons donc l'article 2, qui précise les missions de la nouvelle structure. C'est un vaste catalogue d'intentions louables ; personne n'y est vraiment oublié, mais qui y trouvera réellement son compte ? Rien, sinon l'ordre d'énonciation, ne semble hiérarchiser les priorités ; or, si l'on cherche à résumer la première phrase, en n'y conservant que les mots importants, on y lit :
La Délégation a pour mission de promouvoir le développement d'activités innovantes d'intérêt général pour soutenir les politiques publiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Tout le reste n'est qu'habillage, babillage et fioritures.
L'État annonce clairement qu'il subordonne son intérêt pour l'Économie Sociale au soutien que celle-ci pourra apporter à l'action politique qu'il entend conduire dans le domaine de l'extrême pauvreté ; et encore n'y reprend-il que les activités "innovantes d'intérêt général", c'est à dire une petite frange. On est entre la pure instrumentation d'initiatives vite encadrées puis normalisées, et l'invocation angélique des vertus de la micro-finance ou des solidarités de quartier ; le "small is beautiful" trente ou quarante ans après, avec un goût de rapport de la Banque Mondiale consacré aux pays les plus démunis de la planète.
Bigre ! Nous voici loin de la reconnaissance des caractères communs d'un Tiers Secteur partenaire indépendant, majoritairement marchand, compétitif et conquérant, s'appuyant sur des millions de sociétaires responsables, appartenant à toutes les classes sociales…
Il n'y a donc, du moins à mon sens, dans les nouveaux textes rien sur quoi nous pourrions nous appuyer pour aller de l'avant, pour faire entendre la voix d'une Économie Sociale autonome et vigoureuse. Au contraire !
Rien donc dans la feuille de route, mais, heureusement, il reste les hommes.
L'article 5 prévoit la création d'un Conseil Supérieur de l'Économie Sociale. Au nouveau Délégué, à ce futur Conseil Supérieur, nous souhaitons bonne chance ! Nous sommes à leur entière disposition. Nous ne leur ménagerons pas notre soutien, afin qu'ensemble, nous fassions en sorte qu'après 2007 l'Économie Sociale bénéficie enfin d'une pleine reconnaissance et d'une pleine confiance de la part des Pouvoirs Publics. L'intérêt général ne pourra qu'en sortir gagnant.
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